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Participants : Adri, Nikolos & Marc

     Durant l’été 2018, l’envie d’une aventure, un peu folle, germe respectivement dans la tête d’Adrien et dans la mienne (Marc). Et pourquoi ne pas faire la PTL en 2019 ? Cette course en équipe, de 300km et 24 000m de D+ fait une boucle élargie autour du Mont-Blanc. Particularité de l’escapade, elle est en autonomie entre 2 bases de vie répartie au tier de la distance et entre quelques refuges partenaires présents sur le parcours.
À l’automne, l’idée est retenue et nous nous empressons d’en parler à Nikolos pour le séduire. Il ne se fait prier pour nous donner sa réponse et rejoindre l’aventure.
L’équipe est donc constituée et l’inscription est remplie avec assiduité. Nous rédigeons un magnifique argumentaire pour convaincre l’organisation de nous sélectionner. Notre liste de courses et nos compétences en montagne sont finement choisies. Ne voulant pas entacher la réputation des Grimperoots, Adrien change subtilement le nom en Grimeperoots. Argument largement diffusé pour cacher une malencontreuse faute de frappe.

Le 10 janvier 2019, l’UTMB nous communique qu’ils sont très heureux de nous annoncer que l’on fait partie des coureurs sélectionnés pour participer à la PTL 2019.
Panique dans les chaumières. Il faut commencer à s’entrainer pour l’un, continuer l’entrainement pour les deux autres. De janvier à aout 2019, nous suivons un plan d’entrainement adapté à chacun :
-aucune course ou sortie à 3,
-une blessure au long court pour Nico mais pas si longue selon lui
-un entrainement sporadique et blessé en juillet pour Marc
-une totale absence de sérieux.

Les mois passent et la date approche inexorablement. La veille du départ, l’équipe se retrouve chez Nico avec une magnifique vue sur le Toit de l’Europe.
La préparation des sacs achève de faire monter la pression, l’appréhension, l’excitation, mais aussi l’impatience. Nous pesons nos baluchons : Adrien 8kg – Nico et Marc 9kg.

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J1 : Chamonix – Refuge des Mottets
54km – D+ : 4500m – Durée 15h00

Le matin de la course et en direction de la ligne de départ, l’ambiance est à la camaraderie et nous fanfaronnons légèrement.
Après quelques minutes à marcher dans Chamonix, l’arche de départ se dessine devant nous.

L’ensemble des équipes sont sur le départ. Nous observons, nous plaisantons, mais nous avons tous un nœud au ventre. Nous passons nos derniers appels téléphoniques à nos moitiés respectives.
La musique de l’UTMB retentit avec le fameux clap de départ animé par Ludovic Pollet. Les récits et blogs précédemment lus n’ont pas menti, c’est un super moment à vivre. Puis nous nous élançons, c’est parti, c’est réel et surtout c’est maintenant.

8h01 : Première grosse vanne d’Adrien et Nico sur l’entrainement de Marc. Le ton est donné.
8h03 : Adrien : "Doucement, les gars ! on est parti pour 300km. Ce n’est pas un trail à saucisson."
8h10 : Nico : "Pause pipi ! "
8h15 : Marc : "J’ai une drôle de sensation à l’arrière de la cuisse et j’ai faim."

Les 8 premiers kilomètres en fond de vallée chauffent la machine en douceur. Une fois le centre du village Les Houches traversé, nous arpentons la montée au Col des Rognes en passant par le Col du Mont Lachat puis par Le Dérochoir. Le nom annonce clairement l’ambiance.

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Vue de Chamonix, de l'Aiguille Verte et des Aiguilles 

Par cette belle matinée ensoleillée, la chaleur est déjà présente. Nous la sentons particulièrement en arrivant au premier col et elle nous invite à faire des pronostics sur le reste de la journée. La file de coureurs se présente devant nous. Les deux gros tiers sont devant nous. Le rythme est tout en économie avec une vitesse d’ascension 600m/H max. Adrien veille au grain et calme nos esprits compétitifs.

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Passage du Dérochoir

Les 400m avant le Col des Rognes nous offrent un terrain de haute montagne avec pierriers, passages techniques, échelles, main-courante. Un large sourire s’affiche sur nos visages. La vue sur la vallée est magnifique.

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Montée au Col des Rognes (photo hors PTL)

La descente devant nous est un délice pour gambader. Nous trottinons avec joie sans forcer et nous doublons bon nombre d’équipes perturbées par le terrain très accidenté. Après la Cabane du Nid d’Aigle, le sentier ne présente aucune difficulté pour contourner le front du glacier de Bionnassay.

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La montée au col de Tricot fut difficile pour l’organisme. Le chemin, peu ombragé, serpente dans une épaisse végétation. Ce jour-là, l’air ne circule pas sur ce versant est, nous avons eu chaud et le poids des sacs se fait sentir.

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Vue du Col du Tricot

La descente a cassé de la fibre et je présente quelques petits signes de fatigue. Je parle un peu moins et j’arrive en dernier à la table pour manger, chose très rare.
Adrien annonce le plan et commande 3 omelettes et 3 coca.DSC06573

Fin de descente vers les Chalets de Miages (photo hors PTL)

Après 30min de pauses, nous repartons l’estomac plein voire un petit peu trop pour Nico. Un énorme coup de moins bien lui tombe dessus au pied de la seconde bosse. Rarement, nous avons vu Nico assommé de la sorte. Il a souffert proprement, simplement et silencieusement pendant la dernière monté au refuge de Tré La Tête .

Une fois au refuge, nous faisons un bilan de ces 35 premiers kilomètres :
Adrien ne présente pas de signe de fatigue, Niko se remets rapidement une fois assis et j’ai eu un coup de chaud.
Nico nous annonce fièrement qu’il n’avait jamais fait plus de 2750m D+ dans une journée. Nous venons d’en faire 3250 et il en reste 1500 avant de s’allonger et de laisser les jambes tranquilles.
Nous levons nos canettes de Coca à sa santé.

Avec Niko, nous connaissons bien la suite du chemin jusqu’au lac Jauvet, et nous allons pouvoir nous refaire avant la montée au Col de l’Enclave. La descente jusqu’à la voie romaine est très agréable, joueuse et surtout rentable. La suite jusqu’à La Balme est une longue piste ennuyeuse où nous rencontrons une équipe de 6 Lyonnais forts sympathiques. Le verrou pour atteindre les Chalets de Jovet est une formalité après ce que l’on vient de franchir.

L’état de forme de l’équipe est au beau fixe malgré bien que les jambes soient un peu lourdes. Les frontales s’allument. Mon objectif d’être avant la nuit au Col de l’Enclave n’est plus d’actualité. Je ne palabrerai plus sur les objectif à atteindre mis à part celui de finir.

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Lac Jovet depuis la montée au col de l'Enclave

Le Col de l’Enclave ou du moins son accès est un pierrier pourri, raide, instable.

Lors de la descente vers le refuge des Mottets, 2 équipes nous informent que le chemin est à droite. Avec la fatigue et la nuit, Adrien ayant pris les rênes de l’orientation, semble hésitant. Je m’oppose à suivre les autres équipes. Cependant, j’ai des casseroles aux fesses question orientation et je n’insiste pas. Le GPS ne nous permet pas de trancher. Dommage. Nous sommes déjà engagés dans la descente et Adrien nous informe que l’on est hors sentier et hors trace. Par chance, l’erreur n’est pas grave. Nous retenons la leçon : on ne se laisse pas influencer par les autres équipes. N’ajoutons pas de potentiels biais à nos décisions.

Il est 2h du matin quand nous arrivons au refuge des Mottets. C’est une joie et un soulagement.

Nous engloutissons le repas. Adrien mange uniquement une soupe qu’il ne gardera pas longtemps dans son estomac.

Nous débriefons sur la journée, et surtout nous nous informons de notre classement. Et c’est là que Captain Adrien fait son apparition. Il nous drive de manière militaire sur les temps de sommeil, sur l’horaire de levé et la logistique. Il est 3h de matin quand nous partons dormir.

 

J2 : Refuge des Mottets – Refuge Fallère
Etape :55km – D+ : 4000m – Durée 14h30
Total sommeil: 2h 
Temps de marche : 29h30
D+ total : 8500

Les montres sonnent et nous arrachent de notre sommeil. Il est 4h, nous avons dormi 2h dans un dortoir bondé et donc dans de très mauvaises conditions.

Étonnamment, le corps n’a plus mal, il est juste un peu engourdi.

Le petit déjeuner est avalé promptement. Les sacs sont vérifiés et nous nous dirigeons vers le Col de la Seigne, 700m plus haut. Nous partageons cette montée nocturne avec une autre équipe. Les bonnes habitudes de trailers font surface et le concours de « qui a la plus grande » commence. Les sempiternelles questions « Qu'as-tu fait quoi avant la PTL ? », « quel est ton record sur telle distance » animent notre montée.

La trace part main droite et très rapidement les écarts se creusent entre les équipes. Le terrain est favorable à l'équipe et notre progression est soutenue. Avec Niko, nous sommes étonnés d’être aussi fringants avec au plus 2h de sommeil. Le sentier est une succession de bosses. Nous évoluons sur la crête Sud du Val Veni, face au glacier de Miage, de L’Innominata et de l’arrête de Peuterey, du Mont-Blanc de Courmayeur et du Mont-Blanc. C’est absolument grandiose au soleil levant. Les sommets du massif sont flamboyants à l'opposé de la vallée plongée dans une ombre marquée. Nous prenons le temps d’une pause pour contempler ces lieux.

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Vue sur le Mont Blanc de Courmayeur, l'Innominata, la pointe de Peuterey

Après 4h30 de course, la première zone hors sentier se présente devant nous. Cela restera l’énigme de la PTL. Pourquoi passer par là ? Pourquoi nous faire monter droit dans une pente franchement raide, herbeuse, avec des chutes de cailloux venant des autres coureurs plus haut ?
Adrien, bien qu’étant chaussé à la Jim Walmsley, s’est fait mettre au tapis par une touffe d’herbe mouillée. Nico a été manqué de peu par une pierre.

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Passage hors sentier proche de la Tête de l’Âne

Au col, qui ne présente aucun intérêt, nous croisons l’un des responsables du tracé qui nous demande si nous passons un bon moment. Nos yeux s’écarquillent et nous l’ignorons. Le soir, nous apprendrons qu’un Belge lui a demandé s’il avait picolé lors du tracé. L’italien n’a pas apprécié l’humour belge.
Quelques dizaines de mètres après le col, la carte indique « zone difficile ». En effet, plusieurs équipes évoluent de manière nonchalante dans un pierrier scabreux. Nous les doublons « avec éthique » pour accéder au chemin de la première base de vie : Morgex. Le premier objectif de la journée est 1650m plus bas et à 14km. Cette descente est longue, elle casse les jambes et me déclenche des ampoules.

À Morgex, c’est l’opulence ! Pour nous réconforter, nous sommes accueillis par le collègue de Niko, bénévole sur l’ensemble de la course. Cerise sur le gâteau, nous avons des lasagnes au menu,  et nous leur avons fait honneur. Adrien a toujours du mal à s’alimenter correctement, il ne fait qu’un tout petit repas. Une fois les sacs refaits à neuf et la douche prise, nous faisons une sieste d'une heure dans un gymnase.

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Nous activons le mode marche sous un temps lourd et humide. Nous entendons le tonnerre au loin, mais rien de critique. Cette seconde partie n’a rien de très marquant. Nous arpentons les pistes 4x4 sans croiser âme qui vive. Nous nous dirigeons timidement vers le Col Palletaz.  Le sentier est bon, mais peu efficace en D+. Tout à coup, au détour du Lac Leyster, il disparait pour faire place à une suite de cairns disparates mettant à mal l’orientation d’Adrien et de Nico.

Un brouillard à couper aux couteaux nous assaille en plein effort et la nuit tombe très rapidement. Nous nous retrouvons à crapahuter tout droit dans la pente. Les nombreux points cartes faits par Adrien confirment notre bonne progression, mais elle est très éreintante. À peine le col franchi qu’une petite pluie fine s’invite à la fête. Au pas de course, nous rattrapons une équipe de frenchy bien sympathique. N’ayant pas l’habitude d’évoluer de nuit, ils décident de nous suivre jusqu’au refuge. Nous arrivons à 22h00 sous une bonne pluie.

Captain Adrien resurgit d’un coup et nous félicite de l'heure d'arrivée. Cela sous-entend une avance confortable sur les barrières horaires et la possibilité de dormir plus longtemps. Nous avions prévu au moins 5h de sommeil avec un levé à 4h du matin.

Le programme semble bon, mais c’est sans compter les équipes déjà présentes et celles qui arriveront en masses par la suite. Après un excellent repas, nous nous orientons vers les dortoirs. Malheureusement pour nous, ils sont pleins et il ne reste aucun lit. Après une petite heure d’attente, nous accédons à un lit dans une chambre sauf pour Adrien.  On lui propose une place dans un recoin à l’écart du passage mais dans le couloir. Il accepte quand même bien que l’espace soit bruyant et lumineux. Nous informons nos hôtes que notre levé sera à 4h.

Nous fermons les yeux à minuit.

J3 : Refuge Fallère – Cabane Chanrion
Etape :52km – D+ : 4200m – Durée 16h30
Total sommeil: 5h00 
Temps de marche : 46h00
D+ total : 12700

La plus grande injustice de la PTL vient d’avoir lieu. Adrien se fait réveiller par la bénévole qui nous a montré nos lits. Nous venions de dormir uniquement 2h30 sur les 5h prévues. Il y a eu une grosse affluence dans le refuge et dans l’urgence, elle n’a pas pris en compte notre heure de coucher ni notre heure de lever annoncé et encore moins l’emplacement du lit d’Adrien. Elle envoie carrément Adrien nous réveiller.  Il nous cherche au radar dans un dortoir bondé, par chance il réveille les bonnes personnes.  
Le réfectoire du refuge ne ressemblait plus à celui que l’on avait quitté 2h auparavant. Un très grand nombre d’équipe étaient présentes et beaucoup de concurrents dormaient directement sur ou sous les tables. Un petit air de chaos régnait au sein des bénévoles.Après un rapide petit déjeuné, nous prenons le départ pour le mont Fallère.
Un sommet culminant à plus de 3000 en pleine nuit, l’ambiance s’annonce bonne.

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Mont Fallère et refuge du même nom (photo hors PTL)

Tels des métronomes, notre vitesse d’ascension est réglée à 600m/h malgré le manque certain de sommeil. La montée est assez raide et escarpée. Nous rattrapons tout de même des équipes sous le sommet et cela nous met en joie. La traversée de la crête sommitale, en pleine nuit, restera dans les mémoires. Nous faisons les funambules en trottinant pour doubler les équipes agrippées aux mains-courantes. Dans notre excitation et par manque de visibilité, nous manquons la statue de la Vierge au sommet et donc le livre d’Or ne sera pas dédicacé par les Grimeperoots.

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Statue sommitale (photo hors PTL)

Nous nous engageons dans les 2000m de descente vers Etroubles. La première partie de la descente est très joueuse, c’est un vrai sentier de montagne. Nous creusons l’écart avec les équipes et surtout nous rattrapons les équipes de devant. Après 800m de D-, le sentier se transforme en une large route forestière peu pentue. Je suis dans la difficulté physique et mentale, c’est un véritable calvaire. Ce fût long, ennuyeux et douloureux. Adrien ne peut s’empêcher de trottiner et quant à Niko, il se résout à m’accompagner pour ne pas me laisser seul à l’arrière. Il est 6h30 du matin et nous pensons à nos proches qui se lèvent pour aller travailler. Nous venions de faire un 3000m au saut du lit et à descendre 2000m en guise de petit déjeuné.

A la fin de la descente, l’idée de boire un café germe dans ma tête. Elle deviendra une obsession pendant 30min.Malheureusement rien n’est ouvert dans le village et nous mettons un long moment à comprendre qu’il est trop tôt. Nous n’avions plus aucune notion du temps. Nous décidons de faire une pause dans un square à côté de l’église. L’équipe de tournage du reportage sur la PTL nous accoste. Ils commencent l’interview mais malheureusement, le son est perturbé par des travaux au loin.

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Pause à Etroubles (screenshot du film)

Après 15min d’arrêt, nous mettons le cap vers le Col Champillon, 1500m plus haut. À peine le départ prit, qu’il se met à pleuvoir. La montée vers le col fut fastidieuse dans une ambiance orageuse. Les 3 premiers kilomètres sont raides et zigzaguent fortement. La pente faiblit franchement avant un imposant verrou sous le col. Au col, nous apercevons le refuge Champillon 300m plus bas.

L’accueil du refuge est extrêmement chaleureux. L’équipe de bénévoles est au petit soin avec nous.
Adrien mange enfin avec plaisir, cela rassure l’équipe pour la suite de la journée. Nous ne tardons pas à aller dormir dans un dortoir rien que pour nous. Le repos fut court, environ 2h, mais tellement salutaire.

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Refuge Champillon - Les meilleurs Ramen qu'Adrien ai mangé

A notre réveil, la terrasse du refuge accueille un certain nombre de randonneurs à la journée. À la vue de nos dossards, ils ne tardent à nous questionner sur notre course. Après nos explications, leurs regards nous qualifiaient d’extraterrestres SM et exprimaient en même temps de la pitié à la vue de notre démarche chaloupée.

Nous avalons la descente tant bien que mal et nous enchaînons une longue portion à flanc de vallée le long d’une conduite d’eau. Nous finissons par emprunter une route nous conduisant au fond de la vallée. Face à nous, se tient la deuxième, mais principale difficulté de la journée : la montée au Col de By à 3187m. Point culminant de la course.
Ni une ni deux, nous mettons un pas devant l’autre pour avaler les 1500m nous séparant du point clé de la journée. L’heure est déjà tardive, mais l’allure reste la même. Au 2/3 de la montée, nous faisons une pause salvatrice et nous reprenons des forces. Après avoir mangé une énième barre, des crackers ou du fromage, nous repartons tous les 3 avec ardeur.

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Vue sur le Mont Fallère gravi plus tôt dans la journée

Après avoir mangé une énième barre, des crackers ou du fromage, nous repartons tous les 3 avec ardeur. L’accès sous le refuge Chiarella est très ludique avec son équipement de via ferrata. A 200m du refuge, je ressens une grosse gêne sur le dessus du pied. Je n’y prête pas attention surtout que l’on s’arrête pour prendre une chaude collation. Au même moment, un bénévole descendu du col, nous indique d’être attentifs à la trace GPS. Plusieurs équipes se sont égarées en partant trop sur la gauche et ont perdu beaucoup de temps. La nuit est bien présente et nous voilà avec les frontales sur le front. La température a fortement chuté et pour la première fois depuis le départ, nous enfilons des vêtements chauds. En suivant les indications données par le bénévole, nous arrivons rapidement au col. Il est 22h et nous sommes dans les temps voire un peu en avance.
Au col, j’informe l’équipe que j’ai mal à la cheville droite et qu’il s’agit du tendon releveur du pied. Les deux compères me demandent si je peux descendre le glacier sans problème. Je réponds par l’affirmatif, car la douleur est minime et qu’il faut que je me repose à la Cabane Chanrion. La marge sur les barrières horaires va me servir à me refaire une santé pour finir la course. La descente du glacier de By est euphorique.
Crampons de course aux pieds, nous dévalons le glacier pour rejoindre les bénévoles assurant la sécurité. Nous franchissons la zone crevassée relativement rapidement et nous accélérons le pas dans la moraine.

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Niko a pris la tête, suivi 50 m derrière par Adrien et je ferme la marche 50m. Ma cheville me lance de plus en plus et le pierrier n’arrange pas les choses. Adrien demande de faire un point carte sur mon téléphone, car nous sommes hors trace sur sa montre. Les esprits s’échauffent 2min pour savoir qui a commis l’erreur. Par chance, compte tenu du manque de sommeil et de fatigue, nous avons eu la lucidité de chercher une solution plutôt que le responsable. Seul moment de tension dans l’équipe durant ces 6 jours. J’apporte une solution, mais biaisée par la douleur. A la place de rebrousser chemin et de retrouver la trace 100m de D+ plus haut, je propose de continuer vers la vallée, mais en gardant la même ligne de côte. J’use tous les arguments pour faire valider l’option. Adrien s’oppose franchement à mon idée, mais décide de me faire confiance sur ce coup. C’est une nouvelle erreur d’orientation et cela nous coute beaucoup de temps et d’énergie.
Bon an, mal an nous rejoignons le sentier menant à la Cabane Chanrion. La descente avant le dernier raidillon finit par consommer le peu de force qu’il nous reste. Nous doublons quand même un concurrent d'une équipe espagnole. Ce dernier ne repassera devant deux minutes plus tard en sprintant comme une fusée sur 200m. Adrien évoque une prise de produits illicites qui a rempli ses narines. Situation improbable.

Nous marchons machinalement sur le sentier et je suis pris d’hallucination 100m avant le refuge. Nous poussons enfin la porte de ce dernier, about de forces, exténués, mais heureux d’être là. Ma cheville a légèrement gonflé. Nous partons au lit à 2h du matin. Nous avons besoin de dormir et nous décidons d’un levé à vers 6h30. Après cette douce nuit, ma cheville n’est pas remise, elle a encore gonflé. Le diagnostic est rapide à faire : tendinite du releveur du pied droit. Inutile de forcer et de serrer les dents pour rejoindre Fully, je n’irai pas au bout dans tous les cas. Si je continue, je m’expose à de longues semaines sans pouvoir marcher ni courir. J’annonce mon abandon à mes acolytes avec les larmes aux yeux. Maintenant, c’est une nouvelle PTL qui commence pour eux.
La marche me ramenant à la civilisation sera longue et douloureuse. Je les chouchouterais dès que je le pourrais.

Après la course, il m'aura fallu :
-3 semaines pour que la cheville dégonfle totalement
-2 mois pour ne plus avoir de douleur. 
-3 semaines sans activités seront nécessaires à la reconstruction physique. 
-4 nuits pour retrouver un sommeil normal
-1 jour pour savoir que je rempile en 2021

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