La diagonale des fous était pour moi un mythe, quelque chose que j'avais longtemps considéré comme inaccessible...Mais j'avais dans un coin de ma tête de retourner à la Réunion, sur cette île magnifique, tropicale, luxuriante et particulièrement montagneuse et escarpée, que j'avais découverte en 2004 dans un tout autre contexte (voyage de noces, avec visites en voiture, petites balades à pied de 2h max et le cul posé sur la plage du lagon...).

Et depuis l'an dernier, j'ai accumulé pas mal d'expérience de course qui me donnait l'espoir de me fixer comme objectif majeur de cette saison de me trainer jusqu'à la ligne d'arrivée et ce stade de la Redoute de Saint Denis espéré par tous les aspirants à cette course... ou devrais-je plutôt dire à cette aventure humaine...

 

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Qui plus est la course a une fâcheuse tendance dans son histoire à la surenchère :120 km encore il y a 10ans, 145km il y a 3-4 ans, 162km l'an dernier et cette année, on nous annonce la bagatelle de 170km pour 10800m de D+ à boucler en 66h maximum... bon on nous dit que le Grand Raid (c'est comme çà que les habitants de la Réunion appelle leur course) fête ces 20 ans, alors c'est vrai que quand on aime, on a toujours 20 ans... En avant donc !

Participant : Fredo

Je débarque donc lundi 15/10 à la Réunion avec un gros sac à dos, ma tente et une voiture de location réservée pour 2 semaines via des locaux, sans savoir avec certitude où je vais dormir, mais avec quelques contacts sur place (dont un qui m'a proposé de m'héberger quand même) et une véritable envie de m'immerger dans la vie locale, loin des touristes.

Dès la descente de l'avion, un stand du Grand Raid est là avec percussions, danseuses de maloya et punch péi offert à tous les coureurs, cool j'adore déjà l'ambiance et le punch à 9h du mat, çà réveille.

Une personne de l'organisation me remet des infos pays et me dis "vous êtes au courant qu'il y a un cyclone qui nous fonce dessus ?"... "heu non, pas vraiment... et c'est grave ?" "ben on sait pas encore, plus d'infos d'ici 2 jours"... "ok, on verra donc". Je suis trop content d'être là pour réellement m’inquiéter.

Le téléphone sonne, mon ami (virtuel pour le moment, mais qui va devenir très vite réel) Ben est en route pour une rando dans Mafate avec plein d'amis locaux, il m'invite à rejoindre le groupe. Bon j'avais envisagé d'aller bivouaquer au sommet du piton des neiges à 3070m ce soir, mais le plan avec tout le groupe est plus sympa, je récupère ma voiture de loc et je fonce les rejoindre.

J'y fait notamment la connaissance de Nico, un artiste créateur luthier extra qui va finalement m'héberger les 2 semaines à Saint Joseph dans le sud sauvage de l'île, un vrai coin de paradis.

On commence donc le séjour par une superbe rando dans le cirque de Mafate agrémentée d'une nuit à la belle étoile après avoir pris une grosse charge au rhum charrette avec tous les locaux et mangé un délicieux Carry cuisiné au feu de camp et servi à la machette...

Je ne le sais pas encore, mais des paris circuleront sur mon succès à ce moment là, Ben et Nico pariant sur moi et tous les autres estimant impossible de rallier l'arrivée en ayant pris une grosse cartouche 3 jours avant...

Un peu de repos, quelques apéros, et retrait des dossards au stade de la Redoute avec Lulu, Régis et Jean Michel, 3 anciens de mon club de triathlon, une petite bière dodo pour se donner du courage (cette bière est une institution à la Réunion... un peu comme le Grand Raid missing icon), je croise quelques grands noms du trail à quelques mètres de moi, mais n'ai pas envie d'aller les déranger comme d'autres le font (Christophe Le Saux est ultra souriant tout le temps, Karine Herry fait a l'inverse quasiment la gueule tout le temps, et Kilian Jornet est assailli de fans de toutes parts...). On a appris que le cyclone Anaïs a été rétrogradé en Tempête tropicale et passera à 500km au nord, donc qu'il y aura de la pluie et du vent, mais rien de nature a empêcher la course, cool missing icon

Je passe toute la journée dans un état de profond calme qui me surprend moi-même, quasiment l'impression d'être étranger à ma propre vie. Le mercredi soir, je dors comme un bébé, quasiment 10h, ce qui est rare pour le petit dormeur que je suis habituellement... le corps se prépare visiblement à ce qui l'attend...Je fais mon sac dans l’après-midi de jeudi, je suis toujours très calme, je me fais une grosse assiette de pâtes vers 15-16h pour partir le ventre plein et sur la fin de la digestion.

Ben m’emmène jeudi soir au départ à Cap Méchant (à seulement 15-20 min de Saint Joseph), il prévoit de venir aussi me voir aux 2 bases de vie de Cilaos (km 72) et Ilet Savannah (km 136), puis de me récupérer à l'arrivée.J'arrive vers 19h sur place pour le contrôle du matériel obligatoire. Il n'est pas obligé et je crois que çà lui fait autant plaisir qu'à moi. Je suis prêt vers 20h, me reste donc 2h à poireauter avant le départ. Je prends du café, remange quelques petits sandwichs, discute un peu, m'assoit en fermant les yeux...

1h avant le départ, je retrouve Lulu, Regis et JeanMi dans le sas, on avance ensemble pour se placer, on s'encourage tous (enfin ils m'encouragent plus précisément, parce qu'ils l'ont tous déjà fini). Bon je les laisse s’approcher plus que moi du départ, car je sais qu'ils courent nettement mieux que moi (Lulu est en V2 maintenant, mais avait quand même un record en V1 au 100km sous les 8h et autour de 2h35 au marathon). Je pars de plus loin bien modestement, même si j'ai l'intention de partir assez fort d'un point de vue stratégique. En effet, on commence par 5,5km de route pour étirer le peloton (2800 au départ quand même), puis 13km de montée en route forestière assez large et ensuite 9km de single très étroit et très pentue pour monter au volcan où çà bouchonne dur pour ceux qui grimpe bien (ce que je considérai de moi avant le départ) s'ils partent trop prudemment (ce sont les conseils de Lulu). J'ai environ 4kg sur le dos (dont 2l d'eau), une lampe frontale sur la tête, il ne pleut toujours pas

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  dans le sas peu avant le départ

  Le compte à rebours est lancé et un feu d'artifice éclate au moment où la meute est lâchée au son des percussions dont les vibrations nous traversent le corps. On marche d'abord sur environ 300m, il y a une ambiance de fou furieux, le public chante, danse, hurle ses encouragements... je déclenche le GPS que j'avais oublié de démarrer... mon corps est en transe, enfin la délivrance, devant moi le peloton s'étire comme un serpent sur la route ondulée dans la lumière blafarde des réverbères... un coup d'oeil au passage au premier km, ouch 5m02s, je suis parti sur mon allure marathon soit 12km/h mais avec 4kg sur le dos, çà va pas le faire, je décide de faire les km suivants à 10km/h, çà suffira bien. Au bout de 2,5km environ, brutalement, la tempête nous tombe dessus, grosse pluie et un vent impressionnant qui secoue les palmiers comme si c’était des bouts de ficelles... images saisissantes. Merde, je vais pas m’arrêter dans le peloton, en plus personne le fait... bon je le met à la fin de la route.

km = 5,5 - D+ = 35m - jeudi 22h33 - 33min de course - fin de la route : on attaque un chemin grimpant direct dans les champs de cannes à sucre, le sol est très inégal et le sentier fait 2 personnes de large, çà doit bien bouchonner derrière. Je suis trempé et j'enfile ma gore tex

km = 7,7 - D+ = 230m - jeudi 23h03 - 1h03 de course - Chemin ceinture (672° même si j'avais pas les classements, pour 2800 au départ quand même)   : on bouchonne un peu pour pointer ce premier poste (20-30 personnes de queue), puis on attaque une route forestière qui va mener jusqu'au pied du chemin du volcan. Dans cette portion, je monte en marchant vite à 4-5 km/h mais je ne cesse de me faire doubler non seulement par les nombreux réunionnais qui courent partout (merde, çà a l'air facile quand il le font) et même par la grande majorité des autres qui marchent à 6-7km/h... ouch, je me sens tout petit et visiblement pas à ma place dans le classement, çà va se régulariser mais j’espère pas perdre trop de places avant le single du volcan, après je m'en fous d'être doublé...

  km = 20.5 - D+ = 855m - vendredi 1h15 - 3h15 de course - Mare longue : premier ravito juste avant le début du sentier du volcan, second pointage (qui n'aura pas déclenché) et première barrière horaire à 1h45... arg seulement 30min de marge, bon je mange, je prends un Immodium et fait un petit caca mou derrière un bosquet qui me tordait le ventre sur les 2-3 derniers km (séquence glamour missing icon). La montée au volcan démarre sur un single super racineux, pentu et étroit... et je vois quand même à plusieurs reprises des locaux qui nous doublent en courant sur des appuis hypers instables... là je me dit sérieusement qu'ils sont tarés de faire çà... bon çà bouchonne régulièrement mais jamais très longtemps (enfin partout ou faut mettre les mains pour monter pour sur) mais au final, je passerai environ 30-40 min immobilisé en cumulé sur la montée, pas si pire. La montée est longue (près de 2000m de D+ d'une traite), efficace et la pluie est toujours battante et commence à être usante dans la nuit... au km 27, on rejoint le bord de la caldeira du volcan, on tire à gauche et le jour n'est pas loin de se lever, les oiseaux chantent déjà

km = 29 - D+ = 2445m - vendredi 5h37 (barrière à 7h) - 7h37 de course - Foc Foc (1702°) : le jour s'est levé vers 5h15 peu avant d'arriver au ravito dans les nuages, la brume, la pluie et un peu le froid (il doit faire environ 5° et je vois que beaucoup, surtout les locaux, autour de moi souffrent du froid,moi pas de souci). J'ai 1h20 sur la barrière, c'est un peu plus confort et j’espère accroitre cette avance au fur et à mesure des points de passage. Après une première nuit blanche, j'ai la patate et les jambes sont bonnes. J'ai juste du desserrer mon lacet droit car il me faisait un peu mal au coup de pied et là je me dit que chaque douleur non traitée peut se transformer en vrai calvaire au fil des kilomètres. On reprend la course tranquille pour se remettre en selle, le chemin est assez roulant jusqu'à la porte d'entrée du volcan prochain ravito

km = 35,3 - D+ = 2595m - vendredi 6h41 (barrière à 8h45) - 8h41 de course - Volcan (1757°) : après 4-5 km roulants, on finit sur des paysages de laves tourmentés, un nouveau ravito et une avance sur la barrière de 2h maintenant, je me dis que la route est longue, mais que j'amasserai assez d'avance pour faire un bon somme de 1 ou 2h à Cilaos que j'espère rallier avant la tombée de la seconde nuit. Il pleut toujours pas mal même si l'intensité à un peu diminuée, mais le vent fouettant traversant qui nous met la pluie dans la gueule est vraiment pénible. Je repars après avoir rerempli mon camel. La boue commence a apparaitre, mais rien de vraiment méchant, par contre les sentiers rocheux se transforment régulièrement en torrent, on a les pieds dans la flotte souvent. Je me dis que je devrais pas avoir des ampoules comme à l'Andorra avec les entrainement faits pour me tanner les pieds (acide picrique tous les 2 jours pendant 2 semaines, plus marche très très fréquente pied nus, j'avais même été faire une petite rando pied nus au col d'Ibardin). Je passe l’oratoire Sainte Thérèse et j'attrape mon premier coup de moins bien dans la descente vers le piton Textor, je me traine un peu, je remange pas mal, çà repart en prenant son temps.

 

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  paysages volcaniques dans la pluie

km = 42,2 - D+ = 2755m - vendredi 8h32 (barrière 10h45) - 10h32 de course- Piton Textor (1780°) :

Accueil énorme, musique, danse et chants disco. J'ai encore 2h10 d'avance sur la barrière, j'ai encore accru malgré un bon coup de frein. un petit café pour la vigilance, 2 délicieuses soupes chaudes pour se réchauffer et on repart sans avoir idée de la galère qui est devant nous... l'enfer de la boue sur la plaine des Cafres descendant sur Mare à Boue (bizarre comme nom) avec une boue très présente et très glissante, je tombe plusieurs fois les mains dans la boue en me disant "merde, j'avance pas à pas, çà peut difficilement être pire que çà", ... la suite me prouva que non...

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la boue çà glisse en couches mince
   

 

km = 52,4 - D+ = 2820 - vendredi 10h54 (barrière à 13h15) - 12h54 de course - Mare à Boue (1828°) : arrivée à un gros poste de ravito tenu par l'armée avec beaucoup de solide, j'ai opté pour du riz avec du Carry de viande boucanée, çà réconforte et je me pose un peu plus longuement en voyant que j'ai malgré mon allure d'escargot encore accru mon avance sur la barrière à 3h15. Cette portion était usante physiquement. Je repense à Lulu qui m'avait parlé avant la course que quand il pleut le coteau Kerveguen pour monter au volcan est un vrai champ de mines, bon j'espère à ce moment là que çà sera pas pire que Mare à Boue, je vois déjà en partant qu'il y a des regards brisés mentalement de concurrents qui ne repartiront pas.

Et comme je commençais à m'y attendre, le coteau Kerveguen est un enfer de boue et de flaques, souvent 20 à 30 cm d’épaisseur, chaque pas est un effort en lui-même, on est sur du 1km/h, mentalement çà gamberge et il faut être costaud pour ne pas s'avouer vaincu. Seule bonne nouvelle, la pluie diminue nettement en intensité, çà devient de la simple bruine, mais bon là franchement on s'en fout et on n'en voit pas le bout... j'ai l'impression de revivre mon ascension de l'Elbrouz dans le Caucase quand par manque d'oxygène, chaque pas me coutait et je devais régulièrement m’arrêter pour reprendre mon souffle...

 

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le coteau Kerveguen, l'enfer de la boue

Après un temps qui me parait parfaitement interminable, on débouche enfin sur le haut du plateau Kerveguen, bon encore 2km en mode zombie pour rejoindre le refuge du piton des neiges

km = 64,7 - D+ = 3940m - vendredi 15h31 (barrière à 18h30) - 17h31 de course - Refuge du piton des Neiges (1650°) : je m’écroule pour m'assoir le dos contre un mur pendant 10-15 min sans bouger, puis je me relève pour refaire le plein du camel et boire de la soupe chaude, le bénévole est désolé, il peut pas me resservir il est un peu short en soupe... je prends un coup de nerf, fait chier, je vais me grouiller de rejoindre Cilaos et j'ai encore 3h d'avance sur la barrière, j'aurai aimé plus, mais çà va me permettre de me reposer un peu. Je passe un coup de fil à Ben pour le prévenir que je serais à Cilaos dans moins de 2h. J'attaque la descente sur Cilaos (1400m de D- bien raides) en courant partout où c'est possible pour me calmer les nerfs, mais vers les 3/4 de la descente, je sens que çà commence à me tirer sous la rotule du genou droit, bon j'arrive en bas et je suis calmé, mais j'ai un début de tendinite au genou droit... mouais mouais, bah je me dis en entrant dans la ville que l'on va se reposer et qu'on verra bien

km = 72,4 - D+ = 3990m - vendredi 17h46 (barrière à 21h) - 19h46 de course - Cilaos (1603°) : J'arrive à la base de vie, arrête mon GPS en limite d'autonomie m'indiquant 74,5 km et 4100m de D+ (donc les estimations de l'organisation sont optimistes, c'est pas une bonne nouvelle, mais bon) , je récupère mon sac contenant un slip et une paire de chaussettes pour me changer (c'est agréable) et de la bouffe pour refaire mon stock sérieusement entamé. Je me fait masser les mollets et poser un strap au genou, un podologue me dit qu'il y a plus d'une demi-heure d'attente, je lui demande ce qu'on peut faire pour des crevasses (que j'ai maintenant sous les pieds a plusieurs endroits a force d'être immergé dans l'eau, il me passe un peu de crème hydratante et de m'en passer sur les pieds le temps que je me repose ici. Ben arrive, je suis super heureux de le voir, et lui a l'air aussi tout content d'être là, on discute 5 min puis je vais prendre un gros repas de pâtes et viande de bœuf à la cantine du stade. J'escompte ensuite dormir 3/4h parmi l'un des nombreux lits picots après m’être enduits les pieds de crème (au passage la boue est tellement incrustée dans mes pieds que j'en aurais pendant plusieurs jours après la course malgré que j'ai frotté). Je m'allonge, mais sent tout de suite que çà va pas le faire pour moi, les basses de la sono très proches me résonnent dans le bide et je ne sens pas le sommeil... bon je décide quand même de rester allongé les yeux fermés 1/4 h pour me reposer autant que possible... je me relève pas vraiment reposé, mais les pieds moins douloureux. Je rediscute 5 min avec Ben, puis repart dans un brouillard à couper au couteau arrivé avec la nuit vers 18h15.

  Je suis reparti en direction de Bras Rouge à la lumière de ma frontale, je dois faire cracher le spot au max et viser mes chaussures pour y voir quelque chose tant le brouillard est épais, j'ai un peu peur de me perdre et prend donc mon temps. Je sais pas trop comment mon corps et mon cerveau vont réagir à la seconde nuit sans sommeil (puisque pas réussi à dormir à Cilaos), je pars dans l'inconnu. En partant je me fais la même réflexion qu'à Mare à Boue, j'ai croisé de nombreux regards brisés qui ne repartiront pas de Cilaos. Il est vrai qu'il faut sérieusement prendre son courage à 2 mains pour repartir en sachant qu'il n'y a pas d’échappatoire dans Mafate, que si on y rentre, on doit (sauf blessure ou ils envoient l’hélico) repartir par soi-même quoi qu'il en coute...

km = 79 -  D+ = 4490m - vendredi 21h15 (barrière à 23h) - 23h15 de course - début sentier Taïbit : un ravito sur route menant à l'Ilet à Corde, il y a 4 lits picots, mais contre la sono, bof. Je mange un peu, prend un soupe chaude et me renseigne s'il y a des lits à Marla (pas de souci me réponds t'on) et un grand café. Je n'ai pas sommeil du tout et je suis même remonté à bloc alors que je vois plusieurs raideurs redescendre le col pour retourner abandonner à Cilaos. Au début du sentier, un panneau annonce le col à 2h30. A ce moment là, par un phénomène inexplicable, je suis pris d'euphorie et je commence à faire la montée sur un gros rythme en poussant les mains sur les cuisses... je me raisonne vers les 3/4 de la montée, mais j’atteins quand même le col en seulement 1h40. Bon j'ai dans l'idée d'atteindre Marla au plus vite et de voir si on peut y dormir un peu... mais là par contre la descente est toute en marches d'escalier avec de bonnes marches et mon genou droit fait la gueule en me lançant régulièrement... heureusement le strap atténue beaucoup le mouvement et c'est plus l'impact qui résonne dedans. Bon on va pas faire demi-tour et je vois apparaitre les lumières de Marla

km = 85 - D+ = 5370m - samedi 0h14 (barrière à 3h) - 26h14 de course - Marla (1180°) : encore soupes chaudes et cafés, plus pause toilettes. Le spectacle de Marla est surprenant car non seulement il n'y a aucun lit, mais le nombre de raideurs allongés par terre dans un sol très humide roulés dans leur couverture de survie est énorme, près de la moitié de la place du village est couverte de dormeurs, j'ai toujours pas sommeil et quitte à choisir, je voudrais un endroit pas humide pour dormir. A tout hasard, je demande à une infirmière s'il n'y a pas un moyen de soulager les crevasses au pieds, elle me répond de prendre un doliprane ce que je refuse et qu'elle peut mettre de la tulle grasse, ok on essaye. Elle m'emballe çà et oh miracle je n'ai plus aucune douleur, j'ai envie d'embrasser cette demoiselle, mais bon je repars quand même car j'ai un truc à essayer de finir. Dans quelques rares endroits, j'aurai pu courir, mais je choisi de continuer à marcher toute cette nuit déjà bien avancée. Avancer de nuit dans Mafate a quelque chose d'irréel, mais je maintiens une bonne allure de marche et je n'ai toujours pas sommeil. Petit à petit la fatigue fait quand même son travail de sape et j'arrive au col de la fourche en me disant que le sommeil commence à arriver et que je vais vraiment devoir dormir au poste de sentier scout. La descente du col de la Fourche est pénible vu la fatigue, très vertigineux avec des marches d'escalier de 60cm de haut, c'est à cet endroit, a peine 1h après mon passage qu'aura lieu l'accident qui coutera la vie à un raider missing icon. Qui plus est, en remontant sur Sentier Scout, on retrouve un tronçon d'environ 2km avec de la boue jusqu'à mi-mollet, rah çà m'avait manqué !!! J'ai un moment l'impression d'avoir raté un chemin et je mets le doute à d'autres, mais finalement on est sur le bon. Faut vraiment que j'essaye de dormir.

km = 93,7 - D+ = 5960m - samedi 3h59 (barrière à 7h) - 29h59 de course - Sentier scout (1083°) : j'arrive rincé, je mange rapidos une soupe et me dirige direct vers les lits, le gardien m'annonce "pas de lit libre avant 40 min"... fuck, mais je suis cassé, je m'assois et attends sans réfléchir. Extrait de la télé locale où j'apparais bien fatigué à 1m30s : http://grandraid.sfr.re/serv/SRRGrandRaid?vid=57387&com=videsrrwebfrWEB&vcid=32

Au bout d'un quart d'heure, je me dis qu'il faut que je m'allonge, je me roule par terre dans une couverture de survie a même le sol boueux et humide à côté de la tente en demandant au gardien de me réveiller dans 3/4 h, je m'endors comme une masse, mais seulement 15min plus tard, je me réveille en grelotant, le froid du sol et de la boue m'a réveillé, finalement le gardien me dit que certains sont partis plus vite et qu'il y aura un lit picot dans 5 min, j’attends et me sens en forme de ces 15 min de sommeil, je m'allonge sur le picot 15 min, mais je n'ai plus sommeil et une grosse envie de pisser, bon je repars donc alors que le jour est en train de se lever sur Mafate. Je me fais copieusement doubler par quelques centaines de participants de la "petite" course des Mascaraignes (64km quand même) qui emprunte certaines portions communes, puis quelques km plus loin, je met le clignotant sur l'Ilet à Bourse, mon genou me tire et mon allure de marche a ralenti, mais j'ai pas à me plaindre.

km = 101,7 - D+ = 6235m - samedi 7h41 (barrière 9h30) - 33h41 de course - Ilet à Bourse (1131°) : cet arrêt m'a ramené à moins de 2 h de la barrière, il s'agit pas de s'oublier même si je préfère pas courir sans y être obligé pour économiser mon genou et je vois que je gagne toujours du temps sur les montées. Petite émotion aussi puisque c'est pour moi la première fois que je franchis en course à pied la distance symbolique de 100km, on s'occupe l'esprit comme on peut. Le ciel est bien dégagé et la température monte  

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Mafate, c'est beau et chaud

km = 104,9 - D+ = 6340m - samedi 8h43 (barrière 10h45) - 34h43 de course - Grand Place (1100°) :

Autre ravito, et il fait maintenant très très chaud, plus de 35° et il n'y a quasiment jamais d'ombre, j'ai l'impression de traverser un désert aride. La montée sur Roche Plate est interminable sous ce cagnard.

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interminable montée à Roche Plate sous le cagnard

km = 114,6 - D+ = 7540m - samedi 12h59 (barrière 16h) - 38h59 de course - Roche Plate (1085°) : refaire le plein d'eau, échanger quelques SMS pour se changer les idées, manger froid cette fois ci (bananes principalement). S'ensuit encore une longue montée raide (pour changer) mais régulière pour sortir de Mafate par le Maïdo (sa régularité fera que le Maïdo m'aura clairement fait moins mal que Roche Plate très irrégulier)

km = 121,2 - D+ = 8600m - samedi 15h43 (barrière à 19h)- 41h43 de course - Maïdo (918°) : j'ai pas mal doublé dans la monte du Maïdo, toujours a l'aise en montée, par contre dès la sortie il y a quelques portions roulantes. Quelques foulées me font vite oublier cette tentative, d'autant plus qu'au poste médical je me suis aussi fait strappé la cheville gauche dont un tendon au dessus de la cheville intérieure était devenu douloureux, j'ai également refait mettre des tulles grasses sur les crevasses car elles commençaient à vraiment plus être grasses et donc à refaire très mal. L'infirmière me complimente sur l'état de mes pieds, je crois rêver. Non non, les vôtres sont en super bon état, vous avez du bien les préparer, j'avoue que je marche presque toujours pieds nus et que je les ai aussi un peu préparés, elle me dit que c'est vital ici car certaines personnes prennent même des risques d'amputation... ah ouais quand même ! Bon j'ai 2 petites ampoules sur les 2 petits doigts de pied, je lui fait soigner et trouve que le soin est pire que la douleur initiale a reremplir d'eosine...

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panneau à la sortie du ravito du Maïdo, "plus que" 48 km

 

Je me dis que la nuit va tomber bientôt, qu'elle sera dure (plusieurs personnes m'ont prévenu qu'une troisième nuit serait vraisemblablement synonyme d'hallucinations) et qu'il reste pas mal de bornes même si çà commence à sentir bon. Donc aucun orgueil, le seul objectif, c'est la Redoute.

Je passe Ilet Alcide dans des végétations très luxuriantes, la nuit est tombée, j'ai un peu sommeil mais pas trop. Çà commence quand même à gamberger dans ma tête, je me dis que "depuis 50h, t'as dormi 15 min, tu vas le payer à un moment ou à un autre"... J'avance toujours, mais déjà le sentiment sur cette troisième nuit d'être plus isolé, les durées seules sont plus longues et plus nombreuses, 2-3 gars me doublent en courant, je me dis "putain, comment ils arrivent encore à courir ceux là, je suis cramé moi". La longue descente sur Ilet Sans souci a commencé. Une clairière au milieu de la jungle avec une table de pique-nique sort de nulle part, je m'y assois une dizaine de minutes, j'ai un gros coup de moins bien, je prends le temps de manger au milieu de la nuit noire. Je me tâte à dormir un peu dans l'herbe, mais finalement repart en me disant que je dormirais à Sans Souci. La descente est encore interminable, presque toute en escaliers qui me résonnent dans le genou droit, je peste, je râle, je commence à vraiment en avoir plein le cul de ces descentes en marches hautes et inégales. Seul point positif, avec le strap, la cheville gauche est redevenu indolore. Chaque pas me coute et en même temps m’éloigne de mon propre corps, j'ai l'impression d'etre un fantôme, impression étonnante, je reconnais des sentiers ou plutôt j'ai l'impression de les connaitre, je sonde ma mémoire et en effet, j'avais fait une petite ballade en 2004 sur le haut du Maïdo, donc je m'affole pas.

Au bout d'un temps infini, on aperçoit enfin les lumières d'ilet Sans Souci environ 300m de D- en dessous, mais çà a l'air à pic, et j'ai l'impression que je vais mettre encore des heures pour y arriver. En effet, on tourne, retourne, repart, descent, remonte, c'est interminable, je peste et j'ai le sentiment que c'est beaucoup plus long que les km annoncés officiellement... je m'impatiente et quand je vois que l'on arrive a peu près a l'altitude du village, je me remets un peu à trottiner dans un état second. Et du coup mon arrivée dans le village est saluée comme si j’étais en tête de course en plein milieu de la nuit par une foule nombreuse qui chante et danse... impression d'être dans un rêve éveillé, un profond sourire s'incruste sur mon visage, c'est surement pour ces moments là que je suis venu, l'impression d'être porté sans avoir rien a faire alors qu'il n'y a objectivement plus rien dans la carcasse.

km = 134,1 - D+ = 8720m - samedi 20h08 (barrière 23h) - 46h08 de course - Ilet Sans Souci (976°) :

ravito où je me pose un peu, je suis épuisé, mais il n'y a rien pour dormir, je calcule que j'ai perdu du temps sur la barrière et qu'il devait donc bien y avoir plus de km qu'annoncés. J'allume mon tel que j'avais éteint pour l’économiser (puisqu'il me donne l'heure et me permet de faire des photos et je veux pas être à plat de batterie à la Redoute. Je prends 2 ou 3 soupes et 2 grands cafés. Plusieurs SMS d'encouragements me font chaud au coeur, je ne peux pas m’empêcher d’être optimiste, sur mon arrivée, je suis tourné vers l'avant et réfléchit à la suite. J'aimerai passer le chemin des anglais de nuit (le "putain" de chemin des anglais comme l'appelle les raideurs), tout le monde m'ayant dit que c'était un véritable four de jour. Je sens le sommeil et il va falloir essayer de dormir 1h à Rivière des Galets. Peu avant de repartir, une bénévole me met en garde, le prochain ravito n'est pas à 2km et de ce côté de la rivière comme annonce le topo, mais à 5km et de l'autre côté... arg, bon ben on y va. Je téléphone à Ben pour lui dire que je sais pas où est la seconde base de vie et que je pense pas y rester longtemps et lui propose donc de se retrouver à la Redoute (il passe la nuit à la Saline). La descente dans la rivière qui suit est un enfer pour les chevilles tordues dans tous les sens, des blocs inégaux et instables dans une pente très raide (c'est même pas un chemin). J'arrive au fond de la rivière quasiment à sec en me disant qu'il doit y avoir dans l'organisation un mec dont la mission est de trouver les surfaces les plus pourries possibles pour faire râler les raiders et maintenir la réputation du grand raid... je continue donc à me faire doubler en descente et a doubler en montée, il y a un peu plus de densité de coureurs depuis ilet sans souci, çà met du baume au coeur de revoir des gens plus souvent. Je prends mon temps, c'est long, mais j’aperçois assez vite les lumières du stade et peut donc mesurer la distance (sans milles détours cette fois-ci) pour arriver et çà passe donc plus vite.

km 136,4 (enfin officiellement) - samedi 21h55 (barrière à 0h officiel, mais 1h en réel puisque topo faux) - 47h55 de course - Rivière des Galets (945°) : seconde base de vie, immense stade ou je commence par manger un gros carry poulet, reprendre une soupe, puis vais récupérer un lit picot et met mon tel à sonner 1h plus tard. Je m'effondre en quelques secondes... Je me réveille avec l'impression d'être tout neuf et sans le réveil, j'ai dormi 45min. Hop, je remet mes chaussures, refait le plein de bouffe avec mon sac laissé à cette base de vie (parfait, j’étais presque à sec) mais ne rechange pas de chaussettes cette fois-ci, je repasse à l'infirmerie me refaire faire mon strap du genou droit qui s'est détendu dans la descente de sans Souci avec ces milliers de marches. Je discute triathlon avec le kiné, j'ai le sentiment d'être prêt à attaquer cette troisième nuit désormais et je suis impressionné de la capacité de récupération des sommeils courts. Je repars en marchant la fleur au fusil, croyant dur comme fer voir l'arrivée.

La portion suivante est annoncée longue et avec beaucoup de foret profonde, le début se passe bien et j'avance bien sur la montée vers Kalaa et peu à peu, je m'enfonce dans le brouillard dans ma tête, j'ai pas l'impression de forcer physiquement, mais que mon cerveau a de plus en plus de mal sans pour autant avoir sommeil... je suis de plus en plus esseulé dans la foret et croise souvent un raideur sur le bord du chemin enroulé immobile dans sa couverture de survie... de plus en plus j'ai l'impression de reconnaitre le chemin, les arbres, les rochers, mais je suis sur de n’être jamais venu ici en 2004... et puis l'impression est de plus en plus forte, je me demande si je ne suis pas déjà passé ici ou là durant cette nuit, j'ai l'impression de me perdre, le balisage s'espace aussi ou c'est moi qui ralentit, je ne sais plus, le temps et l'espace semble se jouer de moi... je suis en détresse dans ma tête, qu'est-ce qui est réel, qu'est-ce qui ne l'est pas ??? chaque fois que je sens mon esprit partir, je me donne mentalement une claque et repart en me persuadant que la seule chose qui compte c'est d'avancer jusqu'à La possession, prochain ravito et début du chemin des anglais. Ma frontale me lâche, moment de panique... ok, je prend ma frontale de secours pour changer les piles pas à l'aveugle et repart. Je fais un bout avec une femme de Bayonne qui s'appelle Cécile, je lui dit "j’entends des voitures, on arrive à la route", elle me répond "non c'est des crapeaux ce bruit"... elle a raison, mais j'entendais distinctement des voitures, encore une claque. Cécile s’arrête dormir au bord du chemin, je continue. Un peu plus loin, j’entends la voix de Ben qui m'appelle "fredo ! fredo", je répond en criant "je suis ici Ben !" et réalise face au silence qui suit que c'est encore mon cerveau qui me joue des tours... putain ! et j'ai toujours cette abominable sentiment de me perdre et de repasser sans cesse aux mêmes endroits, il faut que ces chemins qui se ressemblent s'arrêtent et que je rallie la Possession car je sais qu’après, le chemin sera clair et sans ambigüité...

Les heures passent, toujours en mode marche ou crève dans la tête, que c'est dur mentalement de continuer... mais enfin la descente sur la Possession est là, j'en pleurerai presque de joie tant l’émotion de sortir de l'enfer est forte et a fleur de peau. Je retrouve mon allant.

km = 150 (officiel) - D+ = 9580m - dimanche 4h13 (barrière à 7h) - 54h13 de course - Possession (987°, quand ces gens m'ont ils doublé ???) : maintenant je suis sur que j'irais au bout, rien ne pourra abattre après cet enfer (sauf une blessure sur chute que je vais faire attention d’éviter). Je me sens indestructible mais tellement las et fatigué... encore quelques soupes chaudes et cafés me font du bien. Je repars pour le chemin des anglais, on fait environ 1km de route plate en bordure d’océan avant d'attaquer le chemin proprement dit, j'entends les vagues déferler car il y a peu de voitures, c'est presque de la recup... Merde le camel est a sec, j'ai oublié de le recharger, je vais pas refaire 1km en arrière... tant pis, je rechargerai a grande chaloupe dans 2-3h à la fin du chemin.

Rapidement je comprend pourquoi les raideurs parlent de ce "putain" de chemin, c'est d’énormes blocs de laves très irréguliers (et parfois qui bougent) qui obligent à se tordre les chevilles dans tous les sens, bah je prend mon temps et j'ai quand même l'impression de nettement moins me trainer que dans la foret vers la Possession. Le jour se lève alors que j'ai fait plus de la moitié du chemin, c'est long mais çà se passe bien même si je commence a avoir très soif sur la fin.

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l'enfer des chevilles, le soleil se lève sur mon troisième jour et le chemin des anglais

 

km =157 (officiel) - D+ = 9950m - dimanche 6h30 (barrière à 10h) - Grande Chaloupe : Je prend mon temps à ce ravito, j'ai retrouvé la grosse patate, je sais que c'est gagné, me reste plus que la dernière bosse pour monter au Colorado et redescendre sur la Redoute, je finirai sur les rotules s'il le faut et en plus j'ai mal nulle part même si la fatigue est extrême. je rallume mon tel, voit plein de SMS d'encouragement... que c'est motivant. J'attaque sur un gros rythme de marche la montée au Colorado, mais au bout de seulement 30 min, le moteur cale comme encore jamais sur la course, je marche 20 pas et doit m’arrêter et recommence, je sens le sommeil me tomber dessus très fort. Bon je décide de dormir dans le fossé 30 min, je m'allonge sur des petits épineux que je ne sens même pas, j'ai mis le tel à sonner. Instantanément après avoir fermé les yeux, je dors... Je rouvre les yeux, jette un oeil à mon tel, j'ai dormi 20min (donc pas eu besoin de la sonnerie) et je me sens dans une forme de fou furieux, je repars et j'ai presque envie de courir dans la montée tellement j'ai l'impression d'être plein d’énergie. Je double en marchant, retrouve Cécile qui a du me doubler pendant mon sommeil, échange un peu avec elle, puis continue et retrouve Loïc avec qui j'avais discuté assez longuement à Ilet a Bourse dans Mafate (où il me soutenait que bien peu d'entre nous finirions à ce moment là et où j'avais répondu "les autres, j'en sais rien, moi je finirais !"). Il a pas le moral, il a déjà fini 4 fois le Grand Raid, mais a trouvé celui là tellement dur par rapport aux autres qu'il n'y a pas pris le même plaisir. Je le remotive un peu en discutant. J'ai Ben au téléphone qui me dit "bon je suis au Colorado avec mon Ukulélé, je mets l'animation, je vous attends"... COOL !

On arrive très vite en marche rapide avec Loïc au sommet du Colorado, j’aperçois Ben, je me mets à courir, Loïc sort sa Go Pro. Grosses bises et cerise sur le gâteau, Ben a ramené de la bière missing icon.

On descend une bouteille de 75 de THD (bière malgache) avec Loïc, on est dans un état d'euphorie énorme, on court jusqu'au ravito 500m plus loin, Ben court avec nous en claquettes tout en jouant du Ukulélé, le moment est énorme. Au ravito, on continue a boire de la bière, on chante Welcome to the Hotel Colorado (sur l'air de Welcome to the Hotel California), Ti fleur fanée, chanson créole par excellence, on remercie les bénévoles, la télé nous interviewe les bouteilles de bières à la main... c'est magique, au bout d'un long moment, on repart et Loïc me demande "tu te sens comment ?",je réponds "en super forme", "ok, les 5 derniers km sont techniques et cassants, un condensé de toutes les difficultés vues sur le parcours, si on marche on en a pour 1h30, si on court, on en a pour 1h", je lui répond "ok, on court, on fait juste gaffe à rien se casser" et on attaque tambour battant en courant cette descente où quasiment tout le monde marche.

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Peu après le ravito de Colorado, après plus de 60h de course, la fin avec le sourire

 

On volette, bondit, on descend très vite, Loïc qui ouvre la voie a le sourire jusqu'aux oreilles et moi aussi, les émotions sont intenses, grisantes. On arrive au pied du pont, reste 1km de route pour l'arrivée, je débranche les fils, je monte à 14km/h sur le plat, j'ai l'impression de voler, quelques concurrents se remettent à trottiner, je passe comme une fusée, Loïc est décroché, rien n'existe plus, je rentre dans le stade de la Redoute, j'aperçois Lulu, je lui tape dans la main, il me dit "bravo, il te reste 200m", je déboule, passe la ligne seulement 50 min après avoir démarré de Colorado et au bout de 61h22m, ... 61h : une éternité condensée à ce moment là... 973° finisher sur seulement 1368 qui verront la Redoute (pour 2800 au départ)...Lulu a abandonné à Cilaos après une chute dans la descente précédente, JeanMi et Regis ont souffert aussi et ont fait toute la course ensemble pour finir en 45h51, 185° et 186°). Je retrouve Ben qui a réussi à descendre en voiture très vite de Colorado pour nous voir arriver et alors que j'attends dans la queue pour pointer, obtenir ma médaille et mon tee-shirt, il me tend une bouteille de Leffe de 75cl, je bois au goulot, Loïc est juste 4-5 places derrière, on bipe, on a l'air de gamins qui viennent de trouver un trésor... que c'est beau !

 

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2 gamins heureux après plus de 60h d'aventure

 

Je reprends plusieurs bières avec différentes personnes ensuite, je mange un gros repas qui fait du bien, puis Ben me ramène en voiture, faille temporelle, arrivée à Saint Joseph, je m’écroule dans un lit chez Ben (après avoir renvoyé quelques SMS), je me réveille 7-8h plus tard, répond aux SMS et messages Facebook de suivi qui m'ont fait extrêmement plaisir, re-sombre dans le sommeil encore pendant 8-9h et me réveille le lendemain sans aucune douleurs au genou et cheville en enlevant les straps.... Je passerai la semaine suivante à fêter tous les soirs cette aventure et à me re-ballader dans le sud sauvage de la Réunion.

L'an prochain, je serais au départ du Grand Raid des Pyrénées, je l'ai promis à Loic (qui fait partie de l'organisation), Lulu et Jean-Mi et j'espère que ce sera une aussi grande fête.

Quelques mots supplémentaires pour dire que de l'avis de tous, ce Grand Raid a été de loin le plus dur de l'histoire (même Kilian Jornet qui a gagné en 26h a avoué avoir failli abandonner plusieurs fois, çà parle), le GPS de Kilian a d'ailleurs révélé une sous-estimation importante du parcours : mesuré 177km et 11000m de D+, et 7km c'est pas rien du tout !! Sans compter les conditions météos très difficiles de cette édition. Le manque de sommeil a été extrême (1h20 de sommeil en cumulé sur 3 nuits et 3 jours)

L'ambiance de l'île de la Reunion était tout simplement magique, l'impression que toute l'île était sur le parcours pour faire la fête et encourager les concurrents. Des paysages estraordinaires, des souvenirs magiques

Bref une aventure humaine hors du commun !

Et un dernier mot pour dedicacer cette arrivée à Ben et Nico, 2 personnes extraordinaires que je porte dans mon coeur et qui ont fait beaucoup pour moi, nos discussion autour d'un rhum ou d'une bière me manquent et je vous souhaite le meilleur...

Maintenant je suis officiellement un fou...

 

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  maintenant, je peux dire que j'ai survecu !

 

 

 

 

 

Commentaires   

# Nich 01-11-2012 22:06
Impressionnant !
Merci pour ce récit détaillé. on s'y croirait ! (la douleur en moins)
# Francky 06-11-2012 11:37
incroyable comme effort !
Tu as vraiment un organisme très résistant (articulations muscles mental...)
Super récit.
# duduyo 06-11-2012 14:58
Bravo !
Bien pensé a toi en faisant mon footing le dimanche matin :-)
# fredo 06-11-2012 16:20
Merci, et sinon je suis bien partant Yo pour le GR20 en 1 semaine avec Orel au printemps :-)

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