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- Écrit par cedric
- Création : 19 juillet 2020
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Retour aux sources
Mi mars 2020. Pour l’alpi dans les Pyrénées, c’est vraiment un hiver de merde ;). Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Corona, confinement. Les projets tombent à l’eau. C’est con !
Comme pour tout le monde, c’est garde d’enfant, travail à la maison. On n’est pas malheureux dans le sud ouest avec nos jardins. Mais quand même, cette météo propice à la montagne, et le gasoil presque pas cher, c’est gâché.
Salle fermée, plus de vélo. Un peu de footing (surtout pour le poulet), mais dans un rayon d’un km, et seul, pas facile de se motiver. Un peu d’apéro (surtout pour l’autre poulet), et on attend… Déconfinement, youpi ! 100 km. Oups (+ plages fermées etc…). Mes nageoires déjà bien molles finissent de s’atrophier. La reprise en salle est calamiteuse de mon côté. Le binôme a une autre technique : il refuse de revoir la résine et profite au max de ses opportunités de sorties. D’après un fort grimpeur bordelais, grimper en salle c’est comme pêcher des truites de pisciculture. A moins que ça ne soit l’inverse.
Du coup, un créneau météo se profile enfin. Les astres sont alignés, on va pouvoir tenter un truc. Ça sera un superbe but à la Pascal, la saison de caillou commence décidément très bien. Pas avare de bonnes idées, le binôme me propose de bifurquer vers le quié d’Urs. Il me trainera avec efforts en haut de la rose pourpre du calcaire, pendant que je réviserai activement, entre autres, mes plus beaux « secs », tirages à la dégaine, réglage de longe téléscopique et placement dans les étriers. Bref, je me suis fait bien secouer.
On poursuit sur nos trajectoires différentes : Alpes d’un côté, climb up de l’autre (pas certain que ça ne soit qu’une question de goût). On s’est calé bien avance un we début juillet, et pour une fois, la météo dit « allez où vous voulez ». C’est cool. 2 jours à la montagne miam. Ossau ? Bala ? Allez, on va filer en Espagne avant que ça ne referme, direction la Mecque !
La dernière fois là bas, ça c’était bien déroulé. Mon optimisme me fait oublier qu’à l’époque, je n’avais pas fait une coupure d’escalade en salle de plus 3 mois et falaise de… vaut mieux pas compter. Et ma performance grandiose à Urs au passage. Du coup, je me replonge avec grosssse envie dans le topo de Ravier/ Thivel (très rassurant quand on lit les cot’) et les différents blogs (très inquiétants quand on lit le ressenti et connait le niveau des différents loustics). Au passage, je me permets de citer une remarque de FMJ sur Ordesa pour ceux qui ne connaissent pas :
«Bref chemin faisant nous papotons, ce qui nous permet d'acquérir au passage quelques clés ouvrant un champ d'interprétation nouveau par rapport aux descriptifs des topos. Alors semble-t-il à "voie magnifique, classique", il faut comprendre "rocher bon, qui se protège bien, vous pouvez y aller l'esprit relativement tranquille". A "Belle voie / jolie voie soutenue", faut traduire "attention, ça envoie du bois, le rocher est un peu suspect et les protections se font rares". A "Itinéraire un peu confus", faut s'attendre à naviguer dans un sacré merdier sans jamais rien reconnaître du topo. A "Itinéraire peu ou pas repris", c'est la terra incognita, à fuir d'urgence. Quant à "pour esprit aventureux", traduisez "pour esprit kamikaze". No comment. » Comme JC le dit souvent : FMJ tes CR nous manquent grave !!!
Les projets les plus fous nous envahissent, avec une grosse envie de libro abierto. On prend la route, tôt pour une fois. Cool, on devrait pouvoir se reposer avant d’attaquer demain . « attends, c’est écrit quoi sur ce panneau de la DDE ? Transhumance vendredi samedi ? ». Du coup, après avoir doublé brebis, vaches et chevaux, on arrive tranquillou à notre bivouac secret. Comme prévu, y a personne. On a discuté topo sur a route. Pour une fois que le binôme est chaud pour une combinaison, je ne vais pas le brider. Si y a personne devant nous demain matin, on visera Gémini/Edelweiss. Parait que ça appartient à la catégorie « voie magnifique, classique ».
Ca commence par là
Bon cette fois, on s’embêtera pas avec la navette, c’est cool. Par contre, on avait prévu de dormir là haut, ça sera pour une prochaine fois. Du coup on refait les sacs, et feu. Marche d’approche qui commence à devenir classique, ne pas se dire qu’une fois à la cabane on est arrivés. Géminis est facile à repérer, et y a personne dedans. Ca win.
Allez le soleil arrive, c’est parti. JC attaque. Comme d’hab dans le coin, dans le socle tout n’est pas bien attaché, on sait pas trop où ça passe et ça protège pas comme on voudrait. Y a des grimpeurs à droite à gauche, et ça finit même par arriver derrière nous. La 2ème longueur se laisse bien faire. Ca ne sera pas le cas pour la suite ;)
Exploitation maximale de l'ombre
Dès L3, c’est parti pour une belle fissure. Mais physique. Ca se protège bien, à conditions de faire les blocages adéquats pour aller piocher le bon ami au baudrier. Et pour une fois, des amis on en a, et on va s’en servir. Ca s’artife plutôt bien cette histoire. Derrière, c’est A0/V+ (en fait comme quasi toute la voie d’après Galvez). « Tiens regarde, ça a pas l’air bien dur. Fissure à droite, tu montes le pied là et… ». J’en c***, et puis c’est écrit A0, alors ça sera A0. Mais après c’est écrit V+, et pourtant ça sera de nouveau A0 et même « descend moi poulet, je me fais trop peur ». C’était mes 3 derniers mètres en tête dans Géminis ;). La ligne est superbe, mais très fissure, et très vierge d’équipement ;). JC assure grave, même si il laisse un peu d’influx en route. Un réta baleine, un départ bien con au dessus du relai, une ambiance appréciable, le son de la cascade qui nous empêche de communiquer (et les différents toits qui nous empêchent de nous voir), et nous voilà déjà au jardin. Euh non, nous voilà au jardin.
Joli jardinage au milieu des lys, j’ai grave assuré. On file vers Edelweiss, on n’a pas révisé le canal d’échappe de toutes façons. JC voulait pas attendre que ça passe à l’ombre pour partit dans la 2ème partie. Ca tombe bien, l’ombre est déjà là sans temporiser. Bon, il reste du chemin, et de suite ça impressionne…C’est raide, pour changer. On n’est déjà plus tout neufs, et on a quelques lectures qui nous reviennent en mémoire : chez Gael ça parle de « dièdre surplombant malcommode en V+/6b++ « Uf Uf » », chez Fabrice 6 ça parle de longueur où le « père Rio a du grave s’employer ».
JC s’y recolle, le départ étant conforme à l’attendu. C’est magnifique, mais ça grimpe. On prend doucement mais surement de la hauteur. Pendant ce temps, 1 puis 2 cordées viennent se lancer derrière nous. Bien contents d’être devant ! Allez, la suivante a l’air comestible, j’y vais. Elle l’est, surtout si on choisit de faire relai au bon moment ;). La suivante est démente, avec le passage sur la touche de piano, escalade en 3D avec cheminement ! On finit par trouver les 3 pitons qui s’étaient cachés. Allez c’est mon tour. Départ bien con, j’essaye une, deux, trois fois. Rien à faire, j’ose pas donner l’impulsion. Regard de chien battu au binôme, qui se dévoue une nouvelle fois ! Heureusement que j’avais acheté les bières… Mais avant d’y penser, il reste 2 longueurs…
La touche de piano lui tend les bras
Malgré toutes les tergiversations, on ne se fait pas marcher sur les talons. C’est pas vraiment un profil qui déroule en fait ;). Après le pas con où JC fait parler la détermination, c’est facile, il faut prendre le dièdre noir puis le dièdre jaune. Sauf qu’il y en a au moins 3 de chaque couleur ;). « Je t’avais bien dit que le problème dans Edelweiss n’est pas l’itinéraire… ». Du coup, on se retrouve au pied de la dalle noire et c’est mon tour. J’ose plus demander une reversion, alors c’est parti. En fait c’est pas vraiment une dalle, c’est bien raide encore et y a des trous et des règles qui deviennent réglettes. Bon après avoir testé un camalot jaune 2-3 fois, ça finit par passer. Yes, on dormira pas là dedans cette nuit.
Fin du voyage. On voit les poursuivant(e)s
Après un petit effort de 11 heures, faut resdescendre au parking pour manger et dormir. La cadre est toujours aussi majestueux, et … on en aura quand même plein les bottes au bout d’un moment.
La question fatidique arrive à la fin de la descente : on fait quoi demain ? Une chose est claire, on découvrira pas le libro abierto cette fois. On est rincés, mentalement, et aussi physiquement ;) Vu notre état, la Tomas au Trident, ça a l’air parfait non ? Et c’est là que la bière a fait son effet. Le bar du parking a beau être fermé, les Goudales nous attendent tranquillement sous la roue et elles sont même pas trop chaudes. Cool. « Tiens t’as vu, ça fait 3 doses d’alcool ça quand même ». « Vu notre état de fraicheur, ça va nous aider pour décider demain ». On se pose tranquillement au pied de la rivière. Ca fait du bien de ne pas être pressés pour la 1ère fois aujourd’hui. 1èr effet à sur l’esprit. « Oui mais Tomas, c’est pas Galvez, moi j’aimerais bien en faire une 2ème » « J’avais pas imprimé Héroina ? ». « Mouais, j’sais pas, j’ai en tête que c’est pas super beau non ? ». « Allez, bois un coup, on mange, on dort, et on en reparle demain ». 2ème effet sur la récup "Je sens déjà plus mes courbatures...".
Après une bonne nuit, c’est l’heure de se refaire l’approche. Y a moins de monde qu’hier, et les jambes sont bien lourdes. On arrive à l’abri, on sait qu’il reste quelques lacets. On arrive à la bifurq entre la paroi de la cascade et celle du libro. « Tu te sens comment par rapport à hier ? ». « Euh… pas mieux ». « Bon, vu notre état, le Trident ça sera très bien. J’ai pas envie de tout refaire devant ». « Ouais, mais tu seras pas trop déçu ? ». « Un peu… ». « Allez, on va rester ici, je vais essayer de me mettre un coup de pied au cul ! ».
On trouve facilement le H, pas très loin des concasseurs. C’est cool de commencer à avoir des repères dans le coin J. On essaye de prendre le max de recul, y a pas mal de cordées qui ont merdoyé pour atteindre les toits, voire certaines qui ont du revenir. On repère le « Quesito » de Korkuerika, bien pratique. Par contre, on ne conseille pas de suivre la suite de son topo (pour une fois). On est bien équipés avec le Luichy et le Kim Gil, y a plus qu’à…
Jc a été promu spécialiste du socle, c’est lui qui attaque. « C’est pas dur ». « Ouais, mais le caillou n’est souvent pas irréprochable et on peut pas jeter les coinceurs comme on voudrait ». On a bien retenu les leçons d’hier : quand 2 passages sont mentionnés, on passe au plus simple, et quand c’est écrit A0, on réfléchit même pas.
Quesito
Fini de rire, va falloir grimper maintenant si on veut pas tester un cheminement de rappel.
Contrairement à ce que j’avais en tête, c’est une très belle voie (ça supporte sans problème la comparaison avec la veille), assez sinueuse sur le bas, qui laisse de la place à l’interprétation. On croise des pitons (essentiellement aux relais), ça reste Ordesa, mais c’est luxe par rapport à hier. Y aurait moyen d’improviser une descente, ça fait baisser la pression. On arrive tranquillou aux longueurs du haut, « raides et athlétiques » d’après le Luichy. C’est Ordesa quoi J. « Claraaaaaaaaaaaaaaa, reunion !!!!» . On a des copains dans le dièdre 73 qui ont eux aussi du mal à s’entendre.
Après une ingestion de nuée de moucherons chacun, JC arrive au passage d’artif. On sent qu’on est plus tout frais, ça tire ! Il monte le seul relai inconfortable de la voie, sous le toit. « C’est moi qui y retourne ? » « Euh, ben oui, c’est ce qu’on avait dit à l’apéro hier non ? C’est que j’ai pas trop envie d’aller voir ce pas obligé « en descente » Mais bon j’ai lu que pour le 2nd il est assez sympa aussi ce pas».
A0 plutôt A1
Respect Monsieur Galvez
La longueur s’avérera superbe. Après la traversée sous le toit un peu ouverte pour les petits (on a bien raclé les casques ), on comprend bien le problème. Y a 3 mètres à faire, avec pas grand-chose dans les mains ou les pieds, mais beaucoup d’air sous les fesses ;). Malgré un bon tirage des familles, JC envoie le pas proprement ! Yes, ça va sortir. Ne pas hésiter à en garder encore un peu pour les quelques pas suivants, et ouvrir les yeux pour trouver les 3 pitons du relai ;). Bon ben Galvez, c’était pas un petit slip, parce qu’envoyer ce pas sans savoir ce qu’on va trouver derrière, hé ben ça devait pas rigoler. Respect !
Pour les reste, la dernière longueur est bien gentille et permet de profiter d’un panorama juste wahou. C’est vraiment la classe ici !!! On sort vers 15H00, carrément compatible du retour à la maison. C’est parfait. Début de descente toujours enchanteuse, cana grande au parking avec cacahuètes et granita à la bière. Bref, la vie quoi ! On essayera de reprendre des bras et surtout du moral pour venir découvrir d’autres itinéraires de Galvez, ou d’autres. On a toujours un Libro à explorer.
La pelloche :
Topos :
Commentaires
Je me suis permis de rajouter des liens vers les topos C2C avec les cotations des voies... On a l'impression que vous avez fait rentré 3 WE dans un seul.
Il ne vaut mieux pas oublier la moitié du matos à la voiture pour ce genre d'aventure
J'ai bien aimé la comparaison avec la pisciculture aussi.
Etienne : "Les truites de piscicultures on les reconnaît facilement, elles ont les nageoires atrophiées !"
Et celui qui sort "sans naviguer dans un sacré merdier" avec les seuls topos littéraux C2C mérite un awards en cheminement topotage un peu plus complet que C2C vivement conseillé. Après ça reste facile, le nom est indiqué au pied pour les différentes voies
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