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- Écrit par jc
- Création : 6 juin 2018
- Affichages : 2339
« Eh poulet, t’as vu qu’il y avait de la glace dans le Gaube ? »
Quand le binôme m’a posé la question, j’ai pas répondu tout de suite, à moitié incrédule, à moitié déjà projeté dans la face N du Vignemale…
Participants : Cédric et JC
Peu après les photos postées par le refuge des Oulettes finissent de me convaincre : la cascade de sortie du couloir semble effectivement au moins en partie formée, faut aller voir ! En plus, le temps est un peu trop incertain pour se lancer dans la CADE (mais j'espère bien qu'on ira bientôt ;)).
Le Gaube…
J’en avais fait mon deuil. Je pensais que je m’étais intéressé à lui trop tard. Avec la baisse du glacier d’Ossoue, il manque désormais plusieurs mètres pour que celui-ci alimente le haut du couloir et permette la formation de la cascade de glace, la clé de la sortie ! Nous avions bien vu cela avec Cédric en descendant de la Pique Longue à l’été 2016 (beau souvenir cette première sortie en binôme).
Souvenir souvenir. On contemplait avec désolation le relai sur spit inaténiable...
Mais cette année, les énormes cumuls de neige nous laissent entrevoir une possibilité. Allons voir !
En espérant que les conditions soient là, et qu’on tienne le coup physiquement (On m’a rapporté que certains auraient dit : “Vous êtes sûrs que vous avez les pattes pour faire ça ?) …
Départ en fin d’aprem’, on arrive au parking du Pont d’Espagne vers 21h, la cascade du Cerisey est énorme !! On jette les tentes sur le bitume, et on règle les réveils sur minuit (0h00, c’est aujourd’hui ou demain ?).
A 0h30, on quitte le parking après un repos trop court et pas terrible (j’ai réveillé Cédric, il n’avait pas entendu son réveil - je confirme qu’au moins un membre de la cordée avait fini par s’endormir… Bien joué binôme pour le réglage du réveil !!!).
L’approche est longue, mais on est heureux d’être là. La nuit est calme, les salamandres nous montrent le chemin, et pour le moment les jambes tournent sans effort. En plus, même s’il ne fait pas froid, on est quand même fin mai, le ciel dégagé nous laisse espérer un peu de regel.
On arrive quand même à se gourer sur le sentier du refuge : on a raté une passerelle, et pas moyen de franchir le torrent en crue, demi-tour (un peu de rab, c’est pas de refus !) On commence à voir des frontales au-dessus du refuge en direction de la face N (un groupe, puis un 2ème… Ca ne semble pas être la cohue tant redoutée, et il y a un groupe ou deux pour nous montrer le chemin à suivre. Tout bon !). On arrive enfin au refuge vers 3h20. Une gorgée de flotte, et c’est reparti. Après avoir déposé les raquettes au refuge qu’on aura bien fait s’aérer… 1,5 kg de plus, c’est tellement bon sur le sac.
J’ai bien envie de pas laisser trop d’avance aux autres cordées. Là je confirme que JC s’est bien énervé entre le refuge et la rimaye. J’ai eu quelques instants de doute sur ma condition physique à ce moment, mais un ou deux “ça va” au leader et puis les dents serrées et ça l’a fait. Faudra qu’il m’explique un jour comment il fait pour avoir autant de jus sans jamais courir… Les séracs du glacier des Oulettes, qui sortent de la nuit à la lueur des frontales, impressionnent !
Là y a rimaye. Heureusement ça se contourne tout seul plus à droite...
On croise un groupe de 3 qui redescend, mais comme ils sont loin, on ne sait pas pourquoi (on apprendra à postériori qu’ils ont vu passer qqs objets contondants et préféré faire demi-tour).
A 5h, on est la rimaye. On jette un oeil à droite, vers le départ de la face N classique, bon souvenir… La rimaye est très profonde, mais une rampe entre deux lèvres de neige permet de passer facilement. Encore une faille peu large mais profonde à enjamber, et on est dans le couloir. Pour le moment il est impossible de se repérer, il fait nuit noire !
Y a un chasse neige qui est passé ?
Nous avançons bon train, tantôt dans la profonde goulotte creusée au centre du couloir, tantôt à coté (neige plus molle, mais on évite ainsi les projectiles). On se rapproche peu à peu des frontale devant nous. On les rattrape même vers 6h alors qu’ils sont en train de tirer une longueur.
Jonction imminente...
Mais alors qu’on pensait arriver au bloc coincé, on est plutôt sous des dalles compactes, avec un couloir goulotté (glace en décomposition) à gauche, et un dièdre franchement mixte à droite. On fait part de nos doutes au groupe (4 du CAF de Tarbes), mais ils nous assurent que c’est bien là (le plus expérimenté étant assez catégorique sur la question…). Le jour tarde à se lever avec les nuages, on a encore du mal à se repérer.
Après avoir essayé à droite à la suite des autres, je désescalade pour tenter à gauche pendant qu’ils descendent en rappel. Je fais une vingtaine de mètres dans la goulotte avant de caler sous un dièdre vertical avec une glace moribonde : ça pourrait faire si elle n’était en train de passer à l’état liquide…
Encore un but ! Sur le moment, ça fait vraiment mal. Le Gaube, c’est trop dur. C’est fini.
Et encore un but, c'est le thème cet hiver...
Dépité, je tape le rappel sur un piton presque bon. C’est là que JC décide de faire une petite offrande jaune au dieu de la montagne. Je retrouve le binôme, et en lovant la corde, je lui dis « Ecoute, c’est possible qu’on soit pas dans le bon couloir ».
Après avoir rangé la corde, on redescend à reculons, et assez vite, on découvre le Gaube, bien en-dessous de nous à droite ! On était dans le Y…
Il est 7h30 quand on récupère la bonne branche. On a facilement perdu 1h30, mais c’est encore jouable.
Qui c'est qui a réussi à se perdre dans le Gaube ??? Là ça ressemble quand même plus à
Alors que les Tarbais sont encore occupés à leur rappel (!), on remet le cap vers le haut. Finalement on est super bien physiquement, les mollets sont pas encore cramés et la lumière qui nous permet de plus ou moins bien distinguer le relief est quand même bien profitable !
Le bloc coincé passe crème (c’est gavé de neige), le ressaut étroit au-dessus demande un peu d’application, mais rapidement on se retrouve au pied de la longueur finale.
Le CAF est pas encore reparti. Conditions tip top ça avance tout seul :)
Plus on avance plus l'ambiance est prenante
Todo piolet traction ?
Ca commence à sentir bon :)
Je monte un bon relai sur pitons, et c’est parti. La glace est bonne, suffisante pour protéger, et assez vite je débouche à la brèche. Cédric me rejoint. Il est 9h. Grosse émotion !
Euh, ils sont à vous les pitons ?
Fallait quand même pas être complètement équilibré pour partir là dedans en 1889... Chapeau bas aux (très) anciens !
Un beau rêve de concrétisé !
Le vent de S est violent, on ne s’attarde pas trop. On range le matos, et on descend.
Sur le glacier d’Ossoue, dans la tempête de foehn, on rencontre un groupe qui fait des carottages. Ils nous expliquent avoir relevé 8m de neige ! Les 50 premiers cm sont quand même bien pourris et le début de la descente sur le glacier d’Ossoue est quelque peu “pénible”....
Cet hiver 2018, neigeux, pluvieux, pourri, qui nous avait en partie gâché presque tous nos projets cet hiver, qui nous avait fait prendre qqs buts douloureux (Campbieil, Vignole), venait de se racheter en une journée mémorable, nous permettant de gravir cette voie mythique… Hiver de merde !
Il nous faudra quand même 6h, courtes pauses (pour soulager les épaules) comprises, pour regagner le parking. La neige est croutée, on enfonce à chaque pas. La remontée à la hourquette d’Ossoue est particulièrement pénible. On a aussi fait un peu de rab pour essayer de passer par le point coté 27je sais plus combien pour éviter la remontée à cette fameuse Hourquette. Echec retentissant…
La pluie, puis la grêle nous accompagne à partir du refuge. On retrouve la voiture vers 15h. On est fatigué, mais heureux. On est même content de devoir demander un ticket pour sortir du parking…
Merci poulet, ça c’est de la sortie dont je me rappellerai ! On vous mettra pas la photo de la bière, nos têtes font trop peur. Mais c’est rien par rapport aux mollets pendant les 2 jours qui ont suivi ! On rentre heureux (dur dur le retour, certains ont une nouvelle fois plus fait la trace que les autres...), pile poil pour accueillir belle maman et avec des projets plein la tête pour la suite. La montagne, ça vous gagne !
PS : la lecture des 100 plus belles est assez sympa. MAis à faire au petit déj le lendemain en étant rentré à la maison ;)
La péloche :
Commentaires
@Cedric : le Gaube n'a pas l'air plus facile à trouver que le refuge Wallon
Une photo de bière s'est glissée dans la pelloche du CR
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